Comme il aime à le dire lui-même, Henri est un prétentieux. Une prétention qu’il brandit comme sa plus grande qualité. Si je dis qu’il la brandit, c’est parce que c’est bien ainsi que je l’imagine : portant sa prétention avec fierté et défi, nous la jetant au visage, persuadé de sa légitimité puisque elle résulte logiquement de son immense et inégalable intelligence.

Monday, May 21, 2012

Il arrive parfois qu'Henri pense à ce genre de choses.


Le butō de Tatsumi Hijikata, la danse du corps obscur, esthétique surréaliste résultant du traumatisme atomique. Images déstructurées produites par une anatomie mouvante, convulsionnée et libérée de toute réflexion logique qui serait restrictive dans cette intention d'improvisation. Son principe est d'être en création perpétuelle, le prochain mouvement du danseur n'étant pas même connu de lui même avant qu'il ne le réalise. Ainsi, le danseur, improvisant, torturant son corps pour en faire sortir les ombres les plus inattendues, se libère de références esthétiques et de toute limite rationnelle. Il doit être surpris par son propre corps, ondulant pour créer à chaque seconde une œuvre d'art et non en montrer le processus de création.
C'est donc affranchi de toute réflexion sur l'esthétisme du prochain mouvement que doit être dansé le butō : éclipser l'humanité du danseur (dont l'apparence est devenue celle d'une silhouette fantomatique, déshumanisée), ne jamais révéler qu'il est un homme improvisant et réfléchissant (et donc forcément vulgaire, trivial) à ce qu'il fait et ce qu'il va faire sous les yeux de son public.

Pourtant, face au corps en mouvement de Tatsumi Hijikata, Henri ne peut s'empêcher de voir sous le maquillage le regard d'un artiste concentré sur la création. Ce qu'il voit, ce n'est pas un corps habité d'une énergie inhumaine et imprévisible, mais bien un homme se dévoilant en train de réfléchir, de prendre une décision. Plutôt que d'être impressionné par l'œuvre finie, Henri ne voit qu'un danseur piégé par son cerveau, tenant de produire l'incohérence la plus réaliste qui soit.

C'est alors qu'Henri fit ce rapprochement : Tastumi Hijikata était en 1972 piégé par le kitsch de Milan Kundera, la "négation de la merde". Le danseur recherchait le kitsch, c'est à dire une œuvre spontanée se suffisant à elle-même et apparaissant comme totalement improvisée. Ce qu'il voulait cacher au contraire, c'était la merde : la réflexion humaine, rationnelle et vulgaire avec laquelle la spontanéité n'était plus.
En ce sens, c'est là que se trouve le kitsch de l'art : des œuvres reniant leur propre processus de création. Il ne doit pas pour autant être décrié, car c'est en préservant le public  des motivations de l'artiste qu'il lui offre sa possibilité d'interprétation, sa liberté d'exégèse, ce qui en fait parfois un secret tant honteux qu'essentiel.




No comments:

Post a Comment